Forum Inspireurope+ : vers une réponse européenne coordonnée pour les scientifiques en exil

19 Juin 2025 | Actualités, Evénements annuels, Presse

Depuis 2019, Inspireurope+ fédère les principaux acteurs européens de la protection des chercheurs en danger, dans le but d’améliorer l’impact de chaque initiative et de porter un plaidoyer commun auprès des pays et des institutions européennes. Retour sur une journée de rencontres et de collaboration.

© Patrick Imbert

 

Le 7 mai 2025, le Collège de France a accueilli le Forum Inspireurope+, organisé sous l’égide du programme PAUSE. Cette rencontre a rassemblé chercheurs, responsables d’institutions d’accueil, représentants d’organisations internationales, d’associations et d’administrations publiques, engagés pour la protection et l’intégration des scientifiques contraints à l’exil.

Dans un contexte de conflits prolongés, de répression politique croissante et de montée de l’anti-intellectualisme dans de nombreuses régions du monde, la liberté académique est menacée. Le Forum a permis de dresser un constat partagé : les initiatives actuelles, bien que décisives, ne répondent pas pleinement à l’ampleur des besoins. La protection du patrimoine scientifique et intellectuel, et de celles et ceux qui le portent, appelle une réponse collective, à l’échelle européenne, structurée, coordonnée et durable.

 

© Patrick Imbert

Une ouverture qui rappelle l’urgence d’agir

La journée s’est ouverte sur les interventions de Thomas Römer, administrateur du Collège de France, et de Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Tous deux ont souligné l’urgence de renforcer, sur le long terme, les dispositifs d’accueil et d’intégration en faveur des chercheurs et artistes en exil.

Poursuivant cette réflexion, Philippe Aghion, professeur au Collège de France, a mis en lumière la richesse que représentent les trajectoires exilées pour la recherche et l’innovation en Europe. Selon lui, l’accueil de ces talents ne relève pas uniquement d’un devoir humanitaire : il constitue aussi un véritable moteur de développement scientifique, économique et social.

Ce plaidoyer en faveur de la liberté académique faisait écho à un discours prononcé par le président français Emmanuel Macron deux jours plus tôt, le 5 mai, lors du lancement de l’initiative « Choose Europe for Science ». À cette occasion, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait affirmé avec fermeté : « L’Europe ne transigera pas sur ses principes. Elle doit rester le foyer de la liberté académique et scientifique. »

 

Construire des passerelles durables vers l’emploi
Les échanges ont mis l’accent sur un enjeu central : l’intégration professionnelle. Pour de nombreux chercheurs exilés, le retour dans leur pays d’origine n’est pas envisageable. Si l’université reste une voie possible, elle ne saurait suffire à absorber les compétences disponibles. Dans ce contexte, l’ouverture du secteur privé apparaît comme un levier stratégique.

Le premier panel de la matinée a permis d’explorer ces opportunités professionnelles hors du champ académique. Des intervenantes et intervenants issus du secteur privé, de la recherche appliquée et de fondation d’entreprise, comme Andreina Garcia Reyes (ingénieure en géophysique) ou Myriam Hayatou (Fondation L’Oréal), ont illustré la capacité des chercheurs exilés à contribuer à l’innovation grâce à la multiplicité des terrains sur lesquels leurs travaux se déploient ; la recherche se fait partout. C’est à ce titre que des dispositifs comme l’initiative européenne EURAXESS Internship programme for refugee and displaced researchers, présentée par Svetlana Dimitrova, facilitent l’intégration des chercheurs en danger dans les secteurs non-académiques. En mobilisant un réseau d’entreprises et d’ONG partenaires à travers l’Europe, le programme d’EURAXESS permet aux chercheurs de bénéficier de stages, de formations et d’un mentorat pour faciliter leur transition vers le marché du travail européen.
La table ronde a donc porté un message clé : l’accueil des scientifiques en exil est une responsabilité partagée. Les discussions ont souligné l’importance de renforcer les liens entre universités, entreprises et structures d’accompagnement, mais aussi d’adapter les dispositifs aux parcours pluriels. Il s’agit d’une part d’appeler les entreprises à se mobiliser et à investir dans la protection de la liberté scientifique, et d’autre part d’encourager les chercheurs à envisager les carrières qui s’offrent à elles et eux hors de l’université.

 

La recherche au service de la société civile

Le second panel a mis en lumière l’impact de la recherche dans la société civile. Les interventions de Liz Awad, Mursal Dawodi et Egemen Özbek ont montré comment les travaux menés en exil contribuent à documenter, comprendre et transformer les réalités sociales, économiques et politiques, y compris au-delà des frontières européennes.
Les intervenants ont insisté sur la nécessité de reconnaître les formes d’engagement scientifique issues des contextes de crise et de garantir la continuité de ces travaux dans les pays d’accueil.

 

© Naïma Davasse


Des ateliers pour mutualiser les outils et renforcer les synergies

L’après-midi a été consacrée à une série d’ateliers pratiques : conseils de carrières, présentation des logiques de recrutement, présentations de différentes modalités de soutiens…

Ces sessions ont permis d’explorer l’accompagnement de carrière tant au sein qu’en dehors de l’université, de consolider les synergies entre les initiatives européennes pour une meilleure coordination et de créer un dialogue de haut niveau avec les universités partenaires autour des recommandations du consortium Inspireurope pour la protection des chercheur-es en danger. Des stratégies institutionnelles d’accueil et de soutien aux scientifiques en danger ont été discutées, en mettant l’accent sur l’importance d’un accompagnement individualisé et la prise en compte des enjeux interculturels pour sécuriser leurs parcours à long terme.

 Pour une politique européenne à la hauteur des enjeux
La clôture du Forum a donné la parole à Laura Lohéac, directrice du programme PAUSE, et Frank Albrecht, Directeur de la Division pour la liberté académique et de la Philipp Schwartz Initiative (Alexander von Humboldt Foundation). Tous deux ont appelé à inscrire durablement la protection des chercheurs en danger dans les politiques européennes.


Ce plaidoyer rejoint l’appel émis par les consortia européens représentés – Inspireurope+, SAFE et MSCA4Ukraine – et les initiatives engagées dans la protection des scientifiques en danger. Ensemble, ils appellent la Commission européenne et les États membres de l’Union à :

  • donner la priorité à la liberté académique dans le prochain cadre financier pluriannuel européen, conformément à la Déclaration de Marseille de 2022.
  • instaurer un programme européen pérenne de bourses pour les chercheurs en danger, s’appuyant sur les expériences de MSCA4Ukraine et du programme SAFE.
  • intégrer cette ambition à l’initiative « Choose Europe for Science », incarnée par les mots du président Emmanuel Macron : « Chérissons la science ouverte et libre, au cœur de nos sociétés ».

© Naïma Davasse

Le Forum Inspireurope+ a ainsi contribué à poser les bases d’un cadre européen renforcé, capable de garantir non seulement la protection, mais aussi l’avenir professionnel de celles et ceux qui, malgré l’exil, poursuivent leur engagement pour la science et la liberté.

 

Programme PAUSE
Collège de France
11 place Marcelin Berthelot
75005, Paris

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